08 juin 2020 :
Monsieur HYDE, armé d’un sabre, menace des passants sur la voie publique.
Les forces de l’ordre interviennent.
Monsieur HYDE est amené au centre hospitalier, service des urgences.
Docteur DENFER constate les troubles suivants :
« Menaçant. Hétéroaggressivité. Instabilité psychomotrice. Délirant. Hallucinations et communication avec Dieu. Rupture de traitement. En refus de soins. »
Conséquence : hospitalisation sous contrainte. Péril imminent.
09 juin 2020 :
Examen par un psychiatre de l’hôpital, Docteur LECTER.
Certificat médical de 24h.
Maintien des soins sans consentement.
11 juin 2020 :
Nouvel examen. Nouveau psychiatre de l’hôpital. Docteur FATALIS.
Certificat médical de 72h.
Maintien des soins sans consentement.
Prolongation de l’hospitalisation sous contrainte par le directeur.
15 juin 2020 :
Avis médical simple. Docteur LECTER.
Demande de maintien en soins psychiatriques.
Saisine du Juge des Libertés et de la Détention (JLD).
18 juin 2020, 18h26 :
Convocation de l’avocat de permanence.
C’est moi !
Audience, demain, 10h30.
C’est court…
19 juin 2020, 10h30 plus le retard habituel :
Audience dans le bureau du JLD. Covid oblige. Visioconférence avec l’hôpital.
Vidéo via Whatsapp. Parce que… pourquoi pas ?!
Son via haut-parleur du téléphone fixe. Ne demander pas pourquoi !...
Conséquence : 2 minutes de décalage entre le son et l’image.
C’est beau la technologie…
Demain on fait décoller VEGA. Finalement vol annulé. Ceci explique peut-être cela.
Audience donc.
Monsieur HYDE :
- « J’étais menacé
- J’avais une arme
- Légitime défense
- Un sabre
- Beaucoup de personnes pour me descendre
- Me massacrer
- Complot contre moi
- J’appelle ça un complot
- A l’hôpital on veut faire de moi un sacrifice humain
- Me faire devenir agressif
- Méchant
- Je veux m’en aller de l’hôpital
- C’est un piège
- Tout ce que je demande c’est de sortir d’ici »
Monsieur HYDE veut toujours sortir…
- « Maître, nous vous écoutons »
C’est à moi. HYDE veut sortir. Mandat par la loi. On y va.
- « Merci Monsieur le Président »
Ça ne mange pas de pain.
- « Irrégularités manifestes. La mainlevée s’impose »
Ça s’est dit.
En résumé :
- « Certificat initial établi par un médecin exerçant dans l’établissement d’accueil
- Observations du patient sur la mesure envisagée non sollicitées
- Défaut d’information du préfet et de la Commission Départementale des Soins Psychiatriques (CDSP)
- Défaut d’examen somatique
- Défaut d’information de la famille »
Ça fait beaucoup.
Délibéré dans la journée.
19 juin 2020, 13h38 :
Notification de la décision.
- « Les Docteurs DENFER et LECTER exercent tous les deux au centre hospitalier dans lequel Monsieur HYDE a été hospitalisé »
- « Disons la procédure d’hospitalisation sous contrainte irrégulière. »
Une pure application du droit en la matière. Ça nous manquait par ici…
19 juin 2020, 17h10 :
Appel par le procureur DENT. Effet suspensif accordé.
19 juin 2020, 20h45 :
Avis d’audience 1er Président. 22 juin 2020, 09h00.
Le week-end c’est sacré…
22 juin 2020, 09h00 plus l’éternel retard :
Première Présidente. Présente
Greffier. Présent
Avocat. Présent
Procureur. Absent
Hôpital. Absent
Patient. Absent
- « Maître, personne ne répond à l’hôpital. »
- « Irrégularité de plus. Le patient doit être entendu. Sauf refus de sa part. Sauf raison médicale dûment constatée. Rien dans le dossier. »
- « Nous apprécierons. Le ministère public sollicite l’infirmation de l’ordonnance. Nous vous écoutons. »
C’est toujours mieux d’être écouté…
- Trois motifs d’appel du ministère public
Littérature insipide bien qu’étonnante
DENT a déjà été plus inspiré.
Je cite :
1°/ « dans la décision contestée, le JLD ne remet pas en cause, notamment au travers de ses constatations personnelles, le caractère indiscutable de la maladie mentale dont souffre Monsieur HYDE telle qu’elle est mise en exergue par les docteurs DENFER et LECTER.
Le JLD ne remet pas en cause la nécessité des soins et leur régime tel qu’il a été défini par les praticiens ».
- Etrange argument… Le JLD n’est pas psychiatre. DENT n’a rien compris. Quand on pense qu’il est chargé du contrôle des hospitalisations sous contrainte… Le véritable problème serait que le JLD se prenne pour un psy. Passons. Problème purement procédural. Aucune critique de la décision. Au suivant.
2°/ « Le magistrat fonde sa décision sur le fait que les deux psychiatres qui ont donné leur avis pour le maintien de l’hospitalisation exercent dans le même hôpital que celui où est hospitalisé Monsieur HYDE. Or force est de constater que la crise sanitaire actuelle et l’absence d’autres psychiatres venant d’autres hôpitaux empêchent la réalisation de cette condition compte tenu des spécificités du territoire guyanais notamment en cas de crise sanitaire importante ».
- Saisissant… Affirmation péremptoire. Non justifiée. Pas de confinement à ces dates. Pas de couvre-feu. Aucun autre hôpital ? Aucune clinique ? Aucun autre psychiatre ? Dans d’autres établissements ? En libéral ? Pauvre Guyane... Argutie de mauvaise foi ? Méconnaissance totale du tissu médical ? J’interroge.
3°/ « Monsieur HYDE a démontré par le passé son incapacité à suivre de manière rigoureuse le traitement sans lequel il se montre particulièrement dangereux pour les autres, notamment ses voisins et les gens vivant avec lui. En outre celui-ci se trouve actuellement en pleine période de crise.
Il existe donc, en cas de remise en liberté, un risque important de commission de violences sur des tiers.
En l’espèce les risques de violences graves existant en cas de cessation de l’hospitalisation sous contrainte sont bien trop importants pour justifier la mainlevée de la mesure dont il fait l’objet »
- Larmoyant. Déformation professionnelle sans aucun doute. Gravissime surtout. Quand DENT confond politique pénale et politique de soins. Protection de la société et protection du patient. Hospitalisation et détention. Soin et sanction. Soin et sûreté. Déplore les causes (manque de moyens). Mais couvre les conséquences (irrespect des procédures). Favorise l’inertie. Oublie son rôle. S’oublie lui-même.
Délibéré dans la journée.
22 juin 2020, 12h23 :
Confirmation de l’ordonnance.
Fin de l’hospitalisation.
Comme un goût amer…
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