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Cyril Chelle

L’INSAISISSABILITE DU PATRIMOINE PERSONNEL DE L’ENTREPRENEUR

Le risque est inhérent à l’action d’entreprendre. Il est présent dans les choix et les décisions qu’est amené à prendre le chef d’entreprise dans le but de développer et pérenniser son activité. Le risque réside également dans le contexte économique, politique, social et fiscal dans lequel opère l’entrepreneur : la crise sanitaire exceptionnelle que le monde connait actuellement, et particulièrement la France, en est l’illustration parfaite.


Il est donc légitime que l’entrepreneur cherche à sauvegarder une partie de son patrimoine, et en premier lieu sa résidence principale, notamment en cas de déconfiture.


La loi a institué un double régime de protection :

- le premier instaurant une insaisissabilité de droit de la résidence principale de l’entrepreneur (I) ;


- le second permettant à l’entrepreneur d’étendre cette protection à d’autres biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel autre que la résidence principale (II).


I – INSAISISSABILITE DE DROIT DE LA RESIDENCE PRINCIPALE


I – 1. Automaticité de la protection


La résidence principale dont l'entrepreneur est propriétaire directement, seul ou en indivision, est insaisissable (Article L.526-1 alinéa 1er du Code de commerce).


L’insaisissabilité de la résidence principale s’opère automatiquement sans qu’il soit nécessaire de la formaliser dans un acte.

Cette protection ne s’applique pas à l’immeuble ou aux immeubles affectés à l’activité professionnelle de l’entrepreneur. Pratiquement, le local commercial peut-être saisi.


Elle ne s’applique également pas aux biens de nature mobilière, qu’ils soient affectés ou non à l’exercice de l’activité professionnelle.


Dans le cas où la résidence principale est utilisée pour un usage professionnel, l’insaisissabilité s’étend à l’ensemble de l’immeuble sans qu’il soit nécessaire de procéder à un état descriptif de division. Il en va de même lorsque l’entrepreneur se domicilie professionnellement dans son local d’habitation.


I – 2. Qui bénéficie de cette insaisissabilité ?

L’insaisissabilité de droit de la résidence principale bénéficie en premier lieu à « toute personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité agricole ou indépendante » ; il s’agit :

- des commerçants,

- des artisans,

- des agents commerciaux,

- des exploitants agricoles.


Ce dispositif de protection est ouvert également :

- aux professionnels indépendants (professions libérales notamment),

- aux entrepreneurs ayant adopté le régime de l’EIRL.


Les personnes morales, quelle que soit leur activité, sont exclues de cette mesure de protection, à l’exception des sociétés de fait et des sociétés en participation qui sont dépourvues de la personnalité morale.

I – 3. Etendue de l’insaisissabilité


L'insaisissabilité concerne l’ensemble des créances professionnelles de l’entrepreneur, c’est-à-dire celles nées à l’occasion de son activité professionnelle.


Ce dispositif ne concerne pas les créances domestiques de l’entrepreneur. Ainsi, la banque ayant accordé le crédit immobilier nécessaire à l’acquisition de la résidence principale pourra toujours saisir la résidence principale de l’entrepreneur en cas de défaillance.


II – INSAISISSABILITE FACULTATIVE DES AUTRES BIENS DE L’ENTREPRENEUR


II – 1. Mise en œuvre de la protection

Nonobstant la résidence principale qui fait l’objet d’une insaisissabilité de droit, la Loi permet à l’entrepreneur individuel d’étendre cette insaisissabilité à tout ou partie de ses immeubles, bâtis ou non, qui ne sont pas affectés à usage professionnel (Article L.526-1 alinéa 2 du Code de commerce).


Cette insaisissabilité est soumise à l’établissement et à la publication d’une déclaration notariée qui doit soit figurer dans le registre de publicité légale à caractère professionnel dans lequel l'entrepreneur est immatriculé, soit faire l'objet d'une publicité dans un journal d'annonces légales si l'entrepreneur n'est pas soumis à immatriculation. Elle doit également être publiée au service de la publicité foncière.


Le non-respect de ces obligations déclaratives et de publicité est sanctionné par la nullité de la déclaration d’insaisissabilité.


Dans le cas où l’immeuble est utilisé en partie pour un usage professionnel, la partie non affectée à cet usage professionnel pourra faire l'objet d’une déclaration d’insaisissabilité qu'à la condition d'être désignée dans un état descriptif de division.


II – 2. Etendue et limites de l’insaisissabilité sur déclaration


L’insaisissabilité ne produit effet qu’à l'égard des créanciers dont les droits naissent, après la publication de la déclaration, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant.

Pratiquement, pour les créances nées postérieurement à la publication de la déclaration, le créancier ne pourra plus saisir les biens immobiliers non-professionnels figurant dans la déclaration.

Pour les créances professionnelles nées avant la publication de la déclaration d'insaisissabilité, le créancier disposera d’un droit de gage général portant sur l'intégralité du patrimoine du débiteur, à l’exception de la résidence principale. Dans ce cas, l'immeuble pourra être saisi, même si l'exigibilité et la mesure d'exécution sont postérieures. 


L'administration fiscale pourra toujours saisir les biens immobiliers de l'entrepreneur individuel, même s'ils ont été déclarés insaisissables, lorsque ce dernier s'est rendu coupable de manœuvres frauduleuses ou d'inobservations graves et répétées de ses obligations fiscales. 


III – RENONCIATION ET FIN DE L’INSAISISSABILITE


III – 1. Renonciation


La Loi permet à l’entrepreneur de renoncer à tout moment à l’insaisissabilité de son patrimoine personnel.

Cette renonciation peut être totale mais également partielle, c’est-à-dire au bénéfice d’un ou plusieurs créanciers professionnels.

Cette renonciation se matérialisera par la publication, dans le délai d’un mois, d’une inscription modificative dans le registre de publicité légale.


III – 2. Fin de l’insaisissabilité


L’insaisissabilité perdure jusqu’à la renonciation ou au décès de l’entrepreneur.


En cas de décès, l’insaisissabilité subsiste jusqu’à la liquidation de la succession.


L'article L. 526-2 du Code de commerce impose la forme notariée.

FAQ


Ma résidence principale est-elle insaisissable alors que je suis en cours d’immatriculation au RCS ou au Registre des Métiers ?

OUI.


Puis-je vendre ma résidence principale ou le bien déclaré insaisissable ?

OUI. Vous disposez du droit de disposer de votre résidence principale ou de tout autre bien déclaré insaisissable.

Le prix de vente de ma résidence principale peut-il être saisi par un de mes créanciers professionnels ?

OUI ET NON.

Le prix de vente demeure insaisissable si, dans le délai d’un an à compter de la vente du logement de la famille, cette somme est utilisée pour vous permettre d’acquérir une nouvelle résidence principale (on parle de réemploi).

Cette opération peut être effectuée à plusieurs reprises. 


Le prix d’acquisition de ma nouvelle résidence principale est inférieur au prix de vente de ma précédente résidence principale. La différence est-elle saisissable ?

OUI. Le surplus du prix non réemployé n'est plus couvert par l'insaisissabilité de droit et redevient le gage de tous les créanciers, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre ceux professionnels et ceux dits domestiques.


J’entends cesser mon activité et céder mon fonds de commerce. Ma résidence principale continue-t-elle d’être insaisissable ?

SANS DOUTE. La Loi ne disposant pas que la cessation d’activité est une cause de fin de l’insaisissabilité, il y a lieu de penser que la vente du fonds de commerce est sans influence sur la déclaration d'insaisissabilité qui subsiste. La protection perdure postérieurement à cette cessation, sauf à vider de toute consistance ce dispositif de protection.


Mon entreprise a été mise en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire peut-il renoncer à l’insaisissabilité de ma résidence principale ?

NON.

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